Jean Moulin, un héros national de la Résistance
Le 8 juillet 2023 marque le 80e anniversaire de la mort de Jean Moulin.
Ce résistant de la première heure a joué un rôle central dans la constitution et l’union de la Résistance française face à l’oppression nazie.
Véritable bras droit du Général de Gaulle sur le territoire français, Jean Moulin est aujourd'hui un personnage incontournable de la Seconde Guerre mondiale.
Parcourez l’histoire et découvrez la vie fascinante de cette éminente figure nationale !
Une jeunesse paisible entre poésie et arts occitans
C’est dans la ville de Béziers que débute l’histoire de Jean Moulin, né le 20 juin 1899. Fils d’Antoine-Émile Moulin, enseignant laïc et franc-maçon à la loge Action sociale, le prestigieux avenir politique de Jean Moulin semble tout tracé.
Bien que son père soit un élu du Conseil général de l’Hérault, c’est d’abord avec l’art occitan qu'il éveille l’esprit de son fils. Poète occitanophone et admirateur de Frédéric Mistral, il aiguise les goûts artistiques du jeune Jean Moulin. Durant sa scolarité, ce dernier se passionne pour le dessin, l’aquarelle et les belles lettres.
Toutefois, la matière politique le rattrape rapidement. Jean Moulin se forge des convictions républicaines tenaces qui le poussent à s’inscrire, en 1917, à la faculté de droit et science politique de Montpellier. Mobilisé en 1918 pour son service militaire, il reprend ses fonctions d’attaché de cabinet du préfet de l’Hérault, à son retour en 1919. La première pierre d’une longue carrière politique est posée.
Béziers, Hérault, Occitanie ©Adobe - olga demchishina
Jean Moulin, un homme au service de la République
Au début de sa carrière, Jean Moulin ne s’enthousiasme pas pour la politique. C’est en suivant les suggestions de son père, devenu conseiller général de l'Hérault, radical-socialiste, qu’il entre dans l’Administration.
Devenu sous-préfet d’Albertville en 1925, Jean Moulin fait la rencontre de Pierre Cot, un jeune député de Savoie, radical-socialiste. Cette relation est déterminante pour le jeune Jean Moulin. En effet, lorsque Pierre Cot entre au gouvernement, en 1932, comme ministre de l’Air, il appelle Jean Moulin à ses côtés, en tant que chef de cabinet.
Véritable homme de confiance de Pierre Cot, ce dernier lui confie la charge du bon acheminement des avions français aux républicains espagnols, durant la guerre civile d’Espagne. Ce conflit fait suite à une insurrection militaire et nationaliste conduite, dès 1936, par le général Franco.
Afin d'aider les opposants au général dans leur lutte, la France met à leur disposition 25 chasseurs et 20 bombardiers. Cette mission est d’autant plus importante que le Front populaire de Léon Blum s’efforce de garder, à l’égard de cette guerre, une neutralité apparente.
Après plusieurs postes de sous-préfet à Thonon-les-Bains, Montargis, ou encore Amiens, il est nommé, en 1937, préfet de l’Aveyron. Cette promotion, obtenue à seulement 38 ans, en fait le plus jeune préfet de France de l’époque. Il rentre, la même année, dans l’Armée de l’air au grade de caporal-chef, puis rejoint le bataillon de l’air n°117 à Issy-les-Moulineaux.
Alors que le souffle de la Seconde Guerre mondiale menace l’Europe, Jean Moulin est nommé préfet d’Eure-et-Loir, à Chartres, en janvier 1939. Le 15 juin 1940, sachant l’arrivée des Allemands imminente, il écrit à ses parents : « Si les Allemands — ils sont capables de tout — me faisaient dire des choses contraires à l'honneur, vous savez déjà que cela n'est pas vrai ».
Jean Moulin est arrêté le 17 juin 1940, sur ordre du colonel de la Wehrmacht von Thünge. Après avoir été passé à tabac pour avoir refusé de reconnaître les exactions fallacieuses soi-disant commises par des tirailleurs sénégalais, Jean Moulin tente de mettre fin à ses jours. Ce geste radical de refus de l’oppression nazie marque son entrée en résistance.
Cathédrale de Chartres, Eure-de-Loir, Centre-Val de Loire ©Adobe
L’unification des mouvements de Résistance
L’armistice est signé le 22 juin 1940, laissant libre cours à l’administration allemande en zone occupée. Le régime de Vichy, instauré en juillet 1940, met en place une politique collaborationniste avec le Troisième Reich.
C’est dans ce contexte troublé que Jean Moulin est révoqué de ses fonctions en novembre 1940, considéré par le nouveau gouvernement comme l’un des « fonctionnaires de valeur mais prisonniers du régime ancien ». Déterminé à rentrer en clandestinité, il s’installe dans sa maison familiale de Saint-Andiol, au sud d’Avignon.
Animé par le besoin de se rendre utile, il s’affaire à établir un tour d’horizon de la Résistance, afin d’engager des pourparlers avec la France libre de Londres. Il fait alors établir une fausse carte d’identité au nom de Joseph Mercier, avant de s’installer à Marseille. Grâce à l’appui de la résistante Antoinette Sachs et du chef du mouvement de Libération national Henri Frenay, il se met en relation avec un grand nombre de résistants.
Route Jean Moulin, Saint-Andiol, Bouches-du-Rhône, Provence-Alpes-Côte d'Azur ©René Hourdry
Constitution de l’Armée secrète de la France
C’est sous le nom de Joseph Jean Mercier que Jean Moulin rencontre le général de Gaulle à Londres, le 25 octobre 1941. Ce dernier le charge de coordonner les mouvements de Résistance de la zone sud de la France.
Jean Moulin est alors parachuté, le 1er janvier 1942, près de Salon-de-Provence (en zone R2 sur la carte). C’est ici que débute sa mission d’unification de la Résistance.
Après 11 mois de discussions, il réussit à convaincre les chefs de file des trois grands mouvements de résistance de la zone à allier leurs forces.
Aussi, Henri Frenay, créateur de Combat, Emmanuel d’Astier de La Vigerie, fondateur de Libération-Sud et Jean-Pierre Lévy meneur du mouvement Franc-Tireur, unissent leurs éléments paramilitaires. L’Armée Secrète est née. Cette organisation clandestine est placée sous le commandement du général Charles Delestraint.
Parallèlement à cela, Jean Moulin crée le Comité général d’études, chargé de mettre sur pied le plan législatif à appliquer à la Libération.
Afin de mener au mieux sa mission, il conserve une vie officielle sous son vrai nom. Avec sa véritable identité, il assouvit sa passion pour l’art en inaugurant, en février 1943, la galerie Romanin à Nice.
Maison de Jean Moulin à Nice, Alpes-Maritimes, Provence-Alpes-Côte d’Azur ©Remi Mathis
Création du Conseil national de la Résistance
À la fois Régis, Rex et Max, pour ne citer que quelques-uns de ses pseudonymes, Jean Moulin est nommé délégué général du Comité national en France occupée, par Charles de Gaulle, en février 1943.
Cette place lui assure les moyens matériels et les transmissions nécessaires à l’élaboration d’une véritable administration clandestine de la Résistance.
Après l’avoir décoré de la croix de la Libération, de Gaulle demande à Jean Moulin de créer le Conseil national de la Résistance (CNR).
Bien que certaines réticences se font entendre, notamment de la part du responsable de la zone sud, Pierre Brossolette, la première réunion du CNR se tient à Paris, le 27 mai 1943. Jean Moulin prendre rapidement la tête du Conseil.
Cette institution, représentant l'unité des forces résistantes françaises auprès des Alliés, est d’une importance capitale. C’est également en son sein que sont désignés les membres de la future assemblée politique représentative.
Aussi, le CNR reconnaît Charles de Gaulle comme le chef légitime du gouvernement provisoire français, ainsi que le général Giraud comme commandant de l’armée française.
Toutefois, l’étau se resserre autour des résistants français. Claudius Billon, chef régional de l’Armée Secrète, est arrêté à Lyon en février 1943. En mars, c’est le tour du commandant Henri Manhès. Le 9 juin, le général Delestraint est capturé à Paris. Avec ces arrestations, c’est toute l’Armée Secrète qui est démantelée.
Arrestation de résistants par la Milice, juillet 1944 ©Bundesarchiv
Caluire et la mort d’un héros
Se sachant traqué à la fois par le Régime de Vichy et la Gestapo, Jean Moulin poursuit tant bien que mal ses activités clandestines. Il convoque une réunion des sept dirigeants de la Résistance, le 21 juin 1943 à Caluire-et-Cuire, dans la maison du docteur Dugoujon.
À la suite de la probable trahison du résistant René Hardy, Jean Moulin est capturé par une troupe de Schutzstaffel (SS).
Il est d’abord conduit à Lyon où il est questionné et torturé par le chef de la Gestapo de la ville, Klaus Barbie. Il est ensuite emmené à Paris et, enfin, à Neuilly-sur-Seine, dans la résidence du chef de la Gestapo, Karl Bömelburg. Tortionné à multiples reprises, il refuse de livrer quelconque information sur la Résistance.
Après plusieurs jours de sévices, il meurt de ses blessures, en cours de déportation vers l’Allemagne. Mais les circonstances de sa mort restent incertaines. En effet, l’acte de décès allemand datant sa mort du 8 juillet 1943 en gare de Metz, n’est rédigé que 6 mois plus tard.
Le 9 juillet 1943, le corps d’un ressortissant français, décédé en territoire allemand, est rapatrié à Paris. Tout porte à croire que ce serait Jean Moulin. Directement incinéré, son identité n’a, cependant, pas pu être confirmée.
Panthéon, Paris, Île-de-France ©Guilhem Vellut
La mémoire de Jean Moulin, un Grand Homme de la Nation
À la Libération, en 1945, la famille de Jean Moulin fait porter ses cendres dans le carré de la Résistance du Père-Lachaise. Pour honorer la mémoire de son frère, Laure Moulin recense les lieux de mémoire à son nom et rédige sa biographie. Grande résistante, elle l’a aidé à déchiffrer des codes secrets et a opéré, à sa demande, comme agent de liaison.
Reconnu pour sa bravoure, il devient un héros de la Résistance. Pour rendre hommage à son courage et à celui de tous les résistants, ses cendres sont transférées au Panthéon, lors du vingtième anniversaire de la Libération, célébré le 19 décembre 1964.
Inhumation de Jean Moulin au Panthéon en décembre 1964, Paris, Île-de-France ©ProjetEla2016
André Malraux, part son célèbre discours, fait entrer Jean Moulin au « Panthéon des Grands Hommes » : « Comme Leclerc entra aux Invalides, avec son cortège d'exaltation dans le soleil d'Afrique et les combats d'Alsace, entre ici, Jean Moulin, avec ton terrible cortège. » D’une grande solennité, cet événement porte le résistant au statut de symbole dans la mémoire nationale française.
Afin de garder vivace l'engagement de Jean Moulin, plusieurs lieux culturels lui rendent hommage. Ainsi, le Musée de la Libération de Paris - Musée du général Leclerc - Musée Jean Moulin, transmet aux visiteurs les parcours captivants de grandes figures de la Seconde Guerre mondiale telles que Jean Moulin.
Dans le sud de la Fance, au cœur des Alpilles, « Route de Jean Moulin, chemin de la liberté » retrace l'itinéraire du Résistant depuis son parachutage à Salon-de-Provence. Passant par Saint-Andiol, Saint-Rémy de Provence, ou encore Avignon, cet itinéraire est un véritable voyage mémoriel.
Musée de la Libération de Paris, Paris, Île-de-France ©Coyau