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19/09/2022
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Histoire de l'hermine d'Anne de Bretagne

Le saviez-vous ? La Mustela erminea, petit animal brun en été et blanc en hiver, cousin de la belette, plus couramment appelée hermine, est adoptée, dès le XIIIe siècle, comme emblème par les ducs de Bretagne. 

 Emblème d'Anne de Bretagne avec l'hermine à l'Hôtel de Bourgtheroulde à Rouen © olibac

Aux origines de l'hermine de Bretagne

Hermine dans son pelage d'hiver

Encore considérée aujourd'hui comme le symbole de la Bretagne, l'hermine, se trouve sur les armoiries d'un grand nombre de villes bretonnes telles que Vannes, Rennes ou Saint Nazaire. Mais pourquoi cet animal, qui est des plus farouches, a-t-il été choisi comme emblème ?

Pour le comprendre, il faut remonter jusqu'au Moyen Âge, à l'époque des croisades. À cette période, les blasons sont figurés sur les écus, utilisés en combats comme boucliers. Pour consolider cette arme défensive, les Bretons recouvrent la face exposée aux coups, de fourrures et plus précisément...de fourrures d'hermines !

Cousues côte à côte, les queues noires au centre, les peaux d'hermines tapissent alors le bouclier, tout en le décorant d'une forme de croix. Ce n'est que plus tard que les seigneurs bretons s'emparent des mouchetures d'hermines pour en faire leur emblème.

Moucheture est le terme associé à la représentation symbolique du bout de la queue de l’animal qui, contrairement au reste de son pelage, ne devient pas blanc en hiver.

Pourquoi moucheture ? Tout simplement parce que la fourrure d’hermine, très belle, très douce et très chaude, était utilisée pour fabriquer des vêtements. La partie noire, peu esthétique, était toujours séparée et répartie, ou mouchetée, dans un second temps, de façon régulière sur l’ensemble de la fourrure qui offre un fond blanc.

Pierre Ier de Bretagne à l'origine des armoiries à hermine

C'est avec Pierre Ier de Bretagne, également appelé Pierre Mauclerc, qu'apparait l'hermine sur les blasons des seigneurs bretons. Né en 1187, Pierre de Dreux devient, en 1213, duc de Bretagne. Soucieux d'étendre ses terres, le duc entreprend des jeux d'alliances périlleux. D'abord fidèle au roi de France Philippe II Auguste, il fait hommage, en 1229, pour le duché de Bretagne, au roi Henri III d'Angleterre, avant de se soumettre de nouveau à la monarchie française, en 1234.

Les séditieux avec la couronne de France ne sont pas les seuls obstacles qu'a dû surmonter Pierre Mauclerc. Bien qu'engagé dans de nombreuses croisades au nom de l'Église, le duc de Bretagne s'attire les foudres de plusieurs évêques, dont Etienne de La Bruyère, évêque de Nantes, à qui le duc a soustrait des terres.
Cet affront lui vaut une excommunication prononcée par le pape Honorius III. Après de multiples incidents, Pierre Ier de Bretagne se soumet définitivement à Rome, le 30 mai 1230. C'est de cette mésentente avec le clergé que nait son surnom de Pierre Mauclerc.

Selon certaines chroniques, ce serait également l'origine de l'apparition de l'hermine sur ses armoiries. En effet, l'hermine étant, à l'époque, réservée au clergé. En brisant le blason de son père par un franc quartier d'hermine, Pierre Ier de Bretagne affirme son indépendance et son autorité face au clergé.


Évolution des armoiries des ducs de Bretagne de 1216 à 1316

L'hermine s'ancre dans l'histoire bretonne

Avec Pierre Ier de Bretagne, l'hermine entre dans la symbolique des seigneurs bretons.

Sur les blasons des ducs de Montfort, on remarque donc une croix à trois branches, la quatrième, celle du bas, étant plus longue et terminée par trois pointes, figurant la moucheture. Jean de Bretagne, dit Jean II de Montfort hérite de son père Jean Ier, le duché de Bretagne, ainsi que son emblème.
Jean II de Montfort perpétue ainsi l'utilisation de l'hermine sur les blasons bretons : il arbore un échiqueté d'or et d'azur (qui est Dreux) à la bordure de gueules chargée de huit lionceaux à la queue fourchée d'argent (qui est Montfort), au franc-quartier d'hermine brochant. L'hermine fait désormais partie de l'Histoire de la Bretagne.

En 1316, le duc Jean III de Bretagne dit Le Bon, change d'armoiries. Ne pouvant plus souffrir la seconde épouse de son père, Yolande de Dreux, il retire de ses armes l'échiqueté et la bordure appartenant aux Dreux. La brisure d'hermine devient les armes plaines du duc de Bretagne.

L'Hermine de Bretagne : symbole de pureté et d'honnêteté

Armes d'Anne de Bretagne au château des ducs de Bretagne à Nantes

Symbole de pureté, comme les lys des rois de France, l’hermine est représentée soit sous cette forme stylisée (les mouchetures), soit de manière très réaliste.

Emblème héraldique, leur forme de croix à racines représente, pour les seigneurs Bretons, la pureté baptismale et, par extension, la vertu morale. C'est pourquoi nous les retrouvons fréquemment comme brisures dans les armoiries des nobles voués au clergé.

Symbole de l'honnêteté protégeant de la corruption, les mouchetures ornent également les manteaux des rois, la robe des magistrats, mais aussi le camail des chanoines et cardinaux.

Plutôt la mort que la souillure : la devise d'Anne de Bretagne

Médaille figurant Anne de Bretagne sur un fond de fleurs de lys et de mouchetures d'hermines en 1499 © Sailko

Anne de Bretagne, duchesse de Bretagne et comtesse de Montfort, née à Nantes en 1477, adopte assez logiquement elle aussi l’hermine si chère à sa famille.

Une belle légende vient ensuite enjoliver l’histoire : on raconte qu’un jour, lors d’une chasse, Anne aperçoit une hermine qui, traquée par les chiens, préfère mourir que de souiller sa belle fourrure blanche en traversant une marre boueuse.

Surprise par la hardiesse de la bête, à qui elle fait grâce de la mort atroce qui l’attendait, la duchesse décide de prendre à son tour l’hermine pour emblème. Elle adopte même la devise : «Kentoc'h mervel eget bezan saotret » traduite en français par « Plutôt la mort que la souillure » !

On retrouve le blason d’Anne de Bretagne, couronnée reine de France en 1499, dans tous les lieux où elle a séjourné de façon régulière : le château de Blois et le château d’Amboise conservent les plus belles preuves de son passage !

Le symbole de l’hermine est ensuite repris par la fille de la duchesse, Claude de France, qui devient à son tour reine de France en 1515 aux côtés de François Ier. C’est pourquoi on retrouve aussi l’hermine, dans certains châteaux, à côté de la salamandre du nouveau roi de France !

Détail de la cheminée de la Salle du Conseil du Château d'Amboise portant les fleurs de lys françaises mélées aux mouchetures d'hermine bretonnes © Fab5669

L'ordre de l'Hermine et la promotion de la culture bretonne

Véritable symbole de la Bretagne, cet animal est également l'emblème de l'ordre de l'Hermine. D'abord conçu comme un ordre chevaleresque en 1381 par Jean IV, l'ordre de l'Hermine possède aujourd'hui un rôle culturel. Remis au goût du jour à l'initiative de René Pleine, l'ordre distingue les personnalités œuvrant pour le rayonnement de la culture bretonne. Le collier, marquant l'appartenance à l'ordre, a été pensé par le joaillier Pierre Toulhoat.

Le Gwenn Ha Du : symbole persistant de la Bretagne

Véritable symbole de la Bretagne, cet animal est également l'emblème de l'ordre de l'Hermine. D'abord conçu comme un ordre chevaleresque en 1381 par Jean IV, l'ordre de l'Hermine possède aujourd'hui un rôle culturel. Remis au goût du jour à l'initiative de René Pleine, l'ordre distingue les personnalités œuvrant pour le rayonnement de la culture bretonne. Le collier, marquant l'appartenance à l'ordre, a été pensé par le joaillier Pierre Toulhoat.

En Bretagne, l’hermine fleurit sur bon nombre de monuments et reste, aujourd’hui encore, un symbole très cher aux cœurs des bretons. Représentée sur le drapeau, appelé Gwenn ha du, elle incarne et glorifie la Bretagne traditionnelle. Une façon de protéger, d’encourager la culture et les traditions. Elle rappelle aussi la figure emblématique de la duchesse Anne, très appréciée dans sa région natale.

Aujourd'hui ce symbole de la Bretagne est bien souvent brandi, au quatre coins du monde, lors d'événements culturels et sportifs, en signe de ralliement et d'appartenance à la cuture bretonne !

 

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