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27/11/2023
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Peugeot, histoire d’une saga familiale et industrielle du Pays de Montbéliard

L’aventure Peugeot est intimement liée au Pays de Montbéliard et à son développement. C’est au cœur de ce territoire que débute l’une des épopées industrielles les plus brillantes de France.

Plongez dans l’histoire de la marque au Lion rugissant, celle d’une entreprise familiale partie à la conquête du monde et de l’innovation !


Voiturette Lion au Musée de l'Aventure Peugeot à Sochaux © OTPM

De la création de l’aciérie familiale, aux premières lames de scie

Ce n’est pas par la fabrication d’automobiles que débute l’histoire de Peugeot. Loin des pistons, vilebrequins et autres pièces de motorisation, l’entreprise familiale commence son aventure au début du XIXe siècle, avec l’exploitation du moulin hydraulique de « Sous-Cratet », au cœur du Pays de Montbéliard dans le Doubs.

Jean-Pierre et Jean-Frédéric Peugeot, les fils aînés de Jean-Pierre Peugeot, décident de transformer le moulin en aciérie, profitant de la force hydraulique de l’ouvrage. La société « PEUGEOT Frères Aînés », voit le jour en 1810.

De haute qualité, les ressorts et les aciers laminés produits par Peugeot se répandent chez les horlogers renommés de Franche-Comté. Forts de leur excellente réputation, les deux frères s’associent, en 1815, à Jacques Maillard-Salins pour fonder la société « Peugeot Frères Aînés et Maillard-Salins » spécialisée dans la fabrication de lames de scie

Fer à repasser, moulin à café, ou encore buscs de corsets, l’entreprise Peugeot diversifie son offre au cours des ans. Alors que la révolution de 1848 fragilise l’économie, l’affaire familiale prospère toujours. Fondée en 1851 « Peugeot Frères », se recentre autour du noyau familial et continue sa croissance, puis passe, en 1878, sous la direction des cousins Eugène et Armand Peugeot, qui impulsent une nouvelle dynamique. La marque change de nom et devient « Les Fils de Peugeot Frères ».


Moulins à café Peugeot Frères au Musée de l'Aventure Peugeot © OTPM

Du premier cycle au premier véhicule automobile Peugeot

Armand Peugeot en Peugeot type 28 Phaeton - 1900

De retour de Leeds, en Angleterre, où il vit depuis 1870, c’est une toute nouvelle production qu’Armand Peugeot propose de lancer à l’été 1885. Au fait des aspirations de la société, l’industriel souhaite créer les tous premiers vélocipèdes de la marque.

Armand Peugeot confie à l’ingénieur Ernest Rigoulot le soin de concevoir cette gamme de produits « à la meilleure façon des cycles anglais ». Ainsi, trois formats sont mis en production : le grand bi qui permet d’avoir un prix d’appel, la bicyclette équipée de deux à trois vitesses et le tricycle à une ou deux places.


Grand bi 1882 - Modèle " Le Français n°1 " au Musée de l'Aventure Peugeot à Sochaux © Arnaud 25

À nouvelle production, nouveaux bâtiments. En 1886, l’usine de Beaulieu, à Mandeure est retenue pour accueillir quatre nouveaux ateliers dédiés à la fabrication des cycles. Les cycles Peugeot obtiennent un fort succès à l’exposition universelle de Paris, en 1889. À cette occasion, Armand Peugeot présente la « Peugeot Type 1», prototype, jamais commercialisé, d'un tricycle, muni d'une chaudière à vapeur de Léon Serpollet. On considère qu'il s'agit du premier modèle d'automobile. 

La bicyclette se popularise et devient un emblème de la marque. L’engouement est tel que bientôt, on ne dit plus posséder un « vélo » mais bien un « Peugeot » ! Cette même année, Peugeot Présente sa première « auto-mobile ». 

L’entreprise Peugeot ne s’arrête pas à ce succès pourtant retentissant. Alors que les besoins en transports croissent fortement, Armand Peugeot construit un véhicule doté d’un moteur à explosion. Eugène, quant à lui, se méfie de cette nouvelle technologie.

Séduit par le champ des possibles du moteur à explosion, Armand Peugeot commercialise en 1891, une nouvelle automobile : la Peugeot type 3 à moteur Daimler. Avec une puissance de 2 chevaux, elle atteint la vitesse maximale de 18 km/h.


Modèle de Peugeot Type 3 au Musée de l'Aventure Peugeot à Sochaux © Arnaud 25

L’aventure industrielle Peugeot : d’Audincourt à Sochaux

Eugène Peugeot reste hostile à l’industrie automobile. Dès lors, les deux cousins se séparent, Eugène continuant la fabrication des cycles, tandis qu’Armand fonde, en 1896, la « Société Anonyme des Automobiles Peugeot » (SAAP) à Audincourt.

Armand rêve de grandeur, il fait donc construire, en 1896, l’usine des autos à Audincourt, toujours dans le Pays de Montbéliard. Ce lieu reste célèbre dans l’univers industriel comme étant la première usine au monde bâtie exclusivement pour l’automobile.


Stand « Société Anonyme des Automobiles Peugeot » à l'Exposition Universelle de 1900 

Après que les enfants d’Eugène Peugeot ont pris la tête de l’entreprise de leur père, Armand Peugeot les autorise à fabriquer des automobiles sous le sigle Lion-Peugeot, moyennant compensations financières. Les deux entités fusionnent, en 1910, pour devenir la « Société Anonyme des Automobiles et Cycles Peugeot » ou SAACP. S’étendant sur trois usines situées à Audincourt et Beaulieu dans le Doubs, et à Lille dans le Nord, cette firme s’impose dans l’industrie automobile en pleine effervescence à l’époque.

La place vient une nouvelle fois à manquer. Ainsi, en 1912, est inaugurée l’usine emblématique de Sochaux, dans le Doubs. D’abord dédié à la conception des camions, ce site devient rapidement incontournable pour la marque au Lion. À la veille de la Première Guerre mondiale, Peugeot est devenu un pilier de la production automobile française.

La fin du conflit marque la fin de de son hégémonie avec le développement du concurrent, Citroën. Afin de renouveler sa compétitivité, Peugeot modernise ses usines en adoptant la production de grandes séries.

C’est avec la Peugeot 201, une berline 4 places robuste et moderne, que la marque entame sa transition industrielle.
Présentée au Salon de Paris de 1929, elle permet à l’entreprise de positionner son usine Sochaux comme le fleuron de l’innovation : « Alors que la production automobile a baissé de 38% dans le monde, Peugeot a augmenté la sienne de 35%. Ses ventes en France sont en hausse de 40%. Pourquoi ce succès ? Parce que nous avons fait la 201 à Sochaux ! », se targue Robert Peugeot.


Modéle de Peugeot 201 au Musée de l'Aventure Peugeot © OTPM

1940-1945, collaborer ou résister ?

Portrait de Jean-Pierre Peugeot en 1930

La Seconde Guerre mondiale met un coup d’arrêt au développement de Peugeot. Dès l’occupation allemande, l’entreprise, comme de nombreuses autres, est incorporée à l’effort de guerre nazi et placée sous la direction du commissaire à la production du Reich, l'ingénieur Von Guillaume.

Mais Jean-Pierre Peugeot, alors à la tête de l’entreprise, se refuse à collaborer, tout comme Auguste Bonal, dirigeant chez Automobiles Peugeot et directeur du club de football FC Sochaux-Montbéliard. De plus, cela ferait des usines Peugeot des cibles majeures de l’aviation britannique, soucieuse d’empêcher les nazis d’accaparer les sites de production stratégiques.

C’est finalement la voie du sabotage qui est choisie. Dès 1943, Ferdinand Porsche et Anton Piech sont envoyés pour contrôler l’usine de Sochaux. Ils exigent des ouvriers qu’ils fabriquent de nouvelles pièces du nouvel avion de chasse, le Tank 154 de Focke-Wulf. La Résistance locale se met en marche, chapotée par le Special Operations Executive britannique, Harry Ree, alias « César ».

Ces actions n’empêchent pas les Alliés de larguer 1000 bombes sur Sochaux, dans la nuit du 15 au 16 juillet 1943. Cette frappe ne détruit pas totalement les ateliers, mais son bilan humain est lourd : 120 morts sont à déplorer.

Rapidement restaurée, l’usine se remet en route. Dès septembre 1943, Ferdinand Porsche demande à l’usine de contribuer à la construction des missiles V1. Les dirigeants français jouent la montre, expliquant qu’ils n’ont pas assez de personnel pour lancer un tel projet.
Dans le même temps, un ingénieur Peugeot convoqué à Fallersleben en Allemagne, nommé Cortelezzi, réussi à transmettre les plans du V1 à Londres. Cet acte permet à la fois aux Anglais de bombarder l’usine d’assemblage des fusées à Fallersleben et de prouver la bonne foi de la Résistance de Sochaux.

Coupures d’électricité, détériorations du matériel, perturbations de la ligne de production et autres sabotages sont commis à Sochaux durant toute la durée de l’occupation allemande. Cette Résistance, à la fois morale et stratégique permet à Peugeot de traverser la guerre.

Le 23 mars 1944, Auguste Bonal, engagé dans les Forces Françaises combattantes, sous le nom de Tobus, est arrêté aux côtés d'autres dirigeants de Peugeot. Il est déporté en Allemagne où il meurt le 23 avril 1945. Le stade du FC Sochaux-Montbéliard est baptisé de son nom, Auguste Bonnal, dès le mois de juillet 1945


Auguste Bonal

1948, la renaissance sochalienne

Confiant sur l’avancée des Alliés, Peugeot débute, dès 1944, l’étude d’un nouveau véhicule. Toutefois, les usines sont vides, les machines pillées et une partie des directeurs arrêtés ou déportés manquent à l’appel.

Afin de remettre la production à flots, la firme entame une politique « monomodèle » avec la Peugeot 203, sortie en 1948, elle est la première Peugeot produite à plus d’un demi-million d’exemplaires.


Modéles de Peugeot 203 au Musée de l'Aventure Peugeot à Sochaux © OTPM

Il faut attendre 1955 et la sortie de la Peugeot 403 pour que le lion rugissant soit apposé à un nouveau modèle.

Dès 1961, un vent de modernité souffle sur la marque. Cette transition est incarnée par la Peugeot 404, dessinée par Sergio Pininfarina.
Avec plus de 500 000 voitures produites par an en 1970, Peugeot, devenue Peugeot Société Anonyme (PSA) en 1966, se hisse au rang de deuxième constructeur automobile français, derrière Renault. 

Le choc pétrolier de 1973 et la crise financière qui en découle mettent à mal un grand nombre de constructeurs automobiles. Cependant, PSA résiste à la crise grâce, notamment, à ses larges gammes et surtout à son moteur diesel.

Ce qui n’est pas le cas de son concurrent Citroën qui s’effondre un peu plus chaque jour. Afin de sauver la marque aux chevrons, Michelin, qui en est le propriétaire, demande de l’aide à Peugeot. Cette dernière hésite, mais accepte finalement de racheter la firme après l’intervention pressante de l’État qui menace le constructeur du regroupement de Renault et de Citroën en une même entité concurrente.
Le 24 juin 1974, Citroën est sauvé et Peugeot acquiert la stature d’un grand groupe national sous le nom de PSA Peugeot Citroën. Quatre ans plus tard, c’est au tour de Chrysler Europe, filiale du constructeur américain, d’être avalée par le Lion rugissant, dont la portée industrielle s’étend désormais au monde.

De la quête de la modernité à la grandeur des sports auto

Désormais dénommée « groupe PSA Peugeot-Citroën », la marque au Lion est devenue un constructeur incontournable en France et en Europe, malgré le second choc pétrolier de 1979.

La sortie de la Peugeot 205, en 1983, est un véritable coup de génie commercial. Avec plus d’un million d’exemplaires vendus en moins de deux ans, ce « sacré numéro » inonde les routes de France et d’Europe et sauve le constructeur, en situation financière délicate après le rachat de Chrysler Europe et une crise sociale dans l'entreprise.
Son succès n’est pas un hasard : la 205 devient une véritable icône des sport auto. Par deux fois championne du monde de rallyes en 1985 et en 1986, elle s’impose également lors des Paris-Dakar de 1987 et 1988. Cette automobile est la première de toute une gamme à succès pour la firme.


Modéle de Peugeot 205 au Musée de l'Aventure Peugeot © OTPM

S’ensuivent alors les Peugeot 405, 605, 106 et 306 ; toutes séduisent la clientèle. Le tournant des années 2000 est marqué par l’avènement de la Peugeot 206, produite de 1998 à 2013. Championne de rallye, à de multiples reprises, elle arrache également la victoire sur le terrain commerciale, en devenant la Peugeot la plus produite de l’histoire avec plus de 8 393 000 exemplaires.

Toujours au fait des changements sociétaux, Peugeot entame, dès 2011, sa conversion aux moteurs hybrides et électriques. C’est la 3008 Hybrid4 qui ouvre la voie, avec le tout premier moteur hybride diesel-électrique au monde.

Depuis 2021, PSA Peugeot-Citroën s’associe au groupe italien Fiat Chrysler Automobiles. Cette union donne naissance à une nouvelle entité dénommée Stellantis. Véritable mastodonte industriel, le groupe compte plus de 400 000 employés.
Ce bouleversement s’accompagne d’une seconde révolution : l’abandon de la production des motorisations thermiques par la firme d’ici à 2030. Une annonce majeure qui poursuit la quête d’innovation animant Peugeot depuis sa création.

Le musée de l’Aventure Peugeot : une épopée qui se partage

Avec sa longévité, la marque Peugeot fait partie de l’histoire de l’industrie française. C’est pour rendre ce patrimoine accessible au plus grand nombre que Pierre Peugeot, alors Président du conseil de surveillance du Groupe PSA Peugeot-Citroën, créé, en 1982, l’Association de l’« Aventure Peugeot ».

Souhaitant regrouper les différents produits fabriqués par les marques Peugeot depuis 1810 et rendre hommage à son savoir-faire, Pierre Peugeot inaugure à Sochaux, en juillet 1988, le musée de l’Aventure Peugeot.


Musée de l'Aventure Peugeot à Sochaux © Graine de Baroudeur

Peugeot, c’est plus de 210 ans d’histoire ! De la lame de scie aux voitures de sport, en passant par les moulins à café et les cycles, le musée de l’Aventure Peugeot, retrace, sur 8000 m2, l’épopée de l’entreprise au Lion, de 1810 à nos jours.

Plongez au cœur de l’entreprise en parcourant les 5 espaces d’exposition. Chacun dédié à une période, ils replacent les inventions dans leur contexte de création. Admirez des modèles incontournables dans l’ambiance architecturale et décorative de leur époque.


Musée de l'Aventure Peugeot à Sochaux © Périples et Compagnie

Entre 3000 objets estampillés Peugeot, 50 cycles et motocycles et 130 véhicules de collection, c’est tout un nom, une marque qui se dévoile à vous.
Une aventure aussi bien industrielle que sociale, qui fait revivre les grands moments de Peugeot en mettant en lumière le savoir-faire des centaines de milliers de salariés ayant participé à cette grande épopée.

Préparez votre visite au musée de l’Aventure Peugeot

 

Article réalisé en partenariat avec Pays de Montbéliard Tourisme