Pass Patrimoine 600 monuments 2022 page
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Voyage au temps des Lumières : 6 châteaux incontournables pour philosopher

Période faste de réflexion intellectuelle, les Lumières ont également contribué au rayonnement culturel de la France à l’Internationale. À l’épicentre de ce mouvement philosophique des XVIIe et XVIIIe siècles, les fameux salons où artistes, intellectuels et grands de ce monde se réunissent pour révolutionner la place de l’homme dans la société. Pour une échappée lumineuse, on vous emmène en voyage au temps des Lumières avec ces 6 châteaux incontournables pour philosopher.

Sur les traces du salon littéraire de Madame de Saint-Jullien au Château de Fontaine-Française

Le château de Fontaine-Française

De nombreuses figures féminines vont contribuer à l’essor du mouvement des Lumières, notamment via la tenue de brillants salons de discussions qui accueillent les plus grandes figures intellectuelles de l’époque.

C’est le cas par exemple de Anne Marie Madeleine de La Tour du Pin, épouse de François-David Bollioud, seigneur de Saint-Jullien. Ce dernier, conseiller du roi Louis XV et receveur général du clergé, décide en 1754 de rénover le vieux château-fort de Fontaine-Française situé dans le petit village de Saint-Jullien au cœur de la Bourgogne, pour en faire une sublime résidence d’agrément.

Les travaux sont confiés à l’architecte parisien Souhard qui transforme le bâtiment en un somptueux édifice de style classique. Le ton de l’époque se retrouve notamment dans les figures allégoriques représentées dans de surprenants mascarons qui ornent les fenêtres du château. On y conçoit aussi un jardin à la française, sur l’inspiration de Le Nôtre, et dans lequel trônent majestueusement plus de 372 tilleuls taillés en portique et topiaires d'ifs.

Il est alors tout naturel pour Madame de Saint-Jullien, grande amie de Voltaire et de Madame de Staël, de recevoir ses prestigieux invités de son salon littéraire du Faubourg Saint-Honoré, dans son nouveau havre de paix.

Les visiteurs d’aujourd’hui pourront goûter à la quiétude des lieux, notamment en déambulant au sein du splendide parc à la française qui s’étend sur près de 3 hectares. Labellisé Jardin Remarquable, il est à lui seul une invitation à la méditation.

Une ode au rationalisme du siècle des Lumières : le Château du Marais

Le château du Marais

Au Val-Saint-Germain, à quelques encablures au sud-ouest de Paris, se distingue l’un des plus somptueux témoignages encore debout du style Louis XVI.

Le Château du Marais a pour lui une histoire pleine de rebondissements. Mais son style néo-classique flatte à la perfection l’obsession rationaliste du siècle des Lumières : « un des endroits où les principes constructifs d'équilibre sont le mieux appliqués est le château du Marais [...] Son architecture est parfaite et logique » écrira plus tard le marquis de Castellane.

Dès le XIVe siècle, il est fait mention dans les archives d’un manoir féodal. Acheté par la famille Hurault au XVIe siècle, il est régulièrement agrandi et remit au goût du jour. Mais c’est avec Jean Le Maître de La Martinière que le Château du Marais va complètement se métamorphoser en 1772. L’ancien édifice est presque entièrement rasé pour laisser toute place à la créativité de l’architecte Jean-Benoît-Vincent Barré, considéré comme l’un des fondateurs du style Louis XVI.

Le raffinement du nouveau château est tel que les contemporains le jugent digne des princes de sang. On y découvre par exemple un dôme inspiré du pavillon de l’Horloge du Louvre, un hall central à l’Antique et de riches ameublements. Symbole de cette opulence, l’inventaire mentionne ainsi une commode à motifs d’inspiration chinoise, estampillé par Roger Vandercruse dit Lacroix et Jean-Baptiste Leleu.

La nièce de La Martinière, devenue comtesse de La Briche, va faire du Château du Marais un véritable refuge estival pour les intellectuels des Lumières. Elle « y tient salon » avec des personnes en vue comme le fabuliste Florian ou Jean-François Marmontel, contributeur de l’Encyclopédie.

Classé Monument Historique depuis 1965, le Château du Marais se visite aussi pour son splendide parc paysager et son jardin à la française dessiné par Achille Duchêne.

Les Lumières roses du Château de Merville

Le château de Merville

Exquise curiosité dont la façade de briques est un hommage à la ville rose, le Château de Merville est né de la passion d’un homme des Lumières entièrement dévoué à sa région. C’est en effet en 1743 que le marquis Henri-Auguste de Chalvet-Rochemonteix, grand sénéchal de Toulouse et d'Albigeois, souffle à l’architecte toulousain Maduron les plans de cette impressionnante bâtisse.

Quinze ans et quelque 300 000 briques plus tard, surgit ce décor unique à la gloire de l’architecture locale du XVIIIe. Certaines pièces, comme le salon d’été, témoignent de l’engouement de l’époque pour un retour vers une nature idéalisée. Mais ne vous y trompez pas ! Cette simplicité d’apparence cache en réalité un ameublement d’un rare raffinement comme dans les ornements du salon chinois. On y retrouve pas moins de dix-huit grands panneaux de bois peints à l'huile, inspirés des dessins de François Boucher.

Comble du goût à la française du XVIIIe, le parc de 30 hectares et ses allées de buis conçues selon un plan de Le Nôtre. Un exquis refuge ombragé de vieux chênes qui n’est pas sans rappeler l’atmosphère des œuvres de Watteau. Dans l’esprit du siècle, cet écrin de verdure s’épanouit dans la recherche d’un équilibre architectural. La perspective assure cette continuité avec une gentilhommière empreinte des idées rousseauistes. 

Aujourd’hui classé Monument Historique, c’est aussi le lieu idéal pour se perdre dans le rêve végétal de son labyrinthe labellisé Jardin remarquable.

Le refuge normand de Turgot : le Château de Lantheuil

Le château de Lantheuil

Niché au creux d’un vallon, dans le cadre verdoyant du Calvados, le Château de Lantheuil fait perdurer l’esprit de l’un des plus célèbres contrôleur général des finances de Louis XVI : Turgot. Nul doute que cet économiste pétri des idées des Lumières appréciait venir se reposer dans ce refuge embrassé par les bois et la rivière Gronde.

Édifiée dans le plus pur style Louis XIII en 1613 par Antoine Turgot de Saint-Clair, la demeure semble suspendue hors du temps. Les platanes qui bordent les douves, plantés dès la construction, n’ont jamais été taillés, comme le signe d’une majesté sur laquelle les années n’auraient aucune prise.  

Ici, l’élégance se pare de différents visages : tantôt dans la contemplation du Jardin à la française et son bassin au jet d’eau depuis la grande terrasse ornée de balustrades Louis XIV ; tantôt en consultant l’étonnant cadran solaire et sa méridienne qui habillent la façade sud du château de l’heure, du mois, des saisons et des signes du zodiaque.

Lors de vos déambulations dans ce parc enchanteur, vous ne manquerez pas d’admirer la statue du « Faune jouant de la Flûte » du sculpteur Antoine Coysevox ou les vases Médicis cerclés de roses anciennes. Ancien domaine de chasse, Lantheuil vous fera peut-être aussi la surprise de rencontres inédites avec perdrix et faisans.

À la rencontre de Diderot et d'Alembert au Château des Ormes

Le château des Ormes

Peu d’édifices incarnent avec autant d’élégance et de discrétion le siècle des Lumières. Il faut dire que le propriétaire du Château des Ormes, le Comte d’Argenson, ministre de la guerre de Louis XV, est l’un des rares personnages à avoir reçu les honneurs de Diderot et d’Alembert. Ces intellectuels de renom lui ont d’ailleurs dédié le premier tome de leur fameuse Encyclopédie.

Exilé par Louis XV en 1757 pour avoir attisé la jalousie de la très puissante Madame de Pompadour, Marc-Pierre de Voyer de Paulmy d’Argenson décide alors de reconstruire totalement son domaine des bords de Vienne. Une partie des travaux est confiée à Pierre Meusnier qui dote le château d’une nouvelle aile (l’aile dite « d’Argenson ») et de grands pavillons de style Rocaille.

Durant sa retraite forcée, le Comte d’Argenson reçoit aux Ormes quelques-uns de ses illustres amis. Outre Diderot et d’Alembert, c’est aussi Voltaire et le Comte d’Artois (futur Charles X) qui peuvent venir profiter des appartements aménagés spécialement pour eux par leur hôte. On les imagine sans peine deviser, confortablement installés dans la bibliothèque du Comte.

Son fils, le marquis de Voyer, transformera quant à lui complètement le corps central de l’édifice pour y inclure des éléments grandioses telle une grande colonne en métal avec escalier hélicoïdal qui menait à un toit-terrasse. Malheureusement, la ruine de son propre fils aura raison de ces curiosités architecturales.

Toutefois, de nombreuses splendeurs subsistent au Château des Ormes, de la salle à manger en marbre aux somptueuses tentures qui ornent le Grand Salon et qui ont été réalisées par la manufacture des Gobelins.

Une échappée des plus élégantes vous y attend, que n’aurait pas renié le Comte d’Argenson.

Le Domaine de Chanteloup : la folie d’un ministre éclairé

La Pagode du domaine de Chanteloup

Si aujourd’hui ne demeure à Chanteloup qu’une pagode, quel plus impressionnant mémorial à la « Folie du duc de Choiseul » ? C’est ainsi, en tout cas qu’est dépeint le projet de ce ministre de Louis XV lorsqu’il est exilé en Touraine en 1770.

Quelques années auparavant, il s’est porté acquéreur du Domaine de Chanteloup qui domine Amboise. Ses idées politiques libérales et surtout son opposition à Mme du Barry valent à Etienne-François la disgrâce. Qu’importe ! De Paris, il emporte avec lui son architecte, Louis-Denis Le Camus, à qui il confie la construction de ce « Monument dédié à l’Amitié ».

Inspirée de la pagode chinoise de Kew Gardens de Londres, elle mesure 44 mètres de haut et repose sur un péristyle de 16 colonnes et 16 piliers. À l’intérieur, un impressionnant escalier en bois d’acajou conduit au sommet, duquel s’offre au spectateur, un panorama à couper le souffle sur la forêt d’Amboise.

Bien que le château ait lui-même été victime des méfaits de la « Bande Noire », on reste toujours subjugué par le parc et sa grande pièce d’eau, que vient prolonger une belle perspective.

Partez à la découverte de ces châteaux et de plus de 600 merveilles de France et de Belgique avec le Pass Patrimoine !

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