Le fort d'Oléron, citadelle millénaire
Situé sur la côte sud, le fort d’Oléron est un élément incontournable de l’histoire de l’île. Avec sa forme à cornes, il est caractéristique des constructions de Vauban.
A l’époque où Oléron est, dit-on, encore rattachée au continent, les Romains qui occupent la côte construisent une fortification et une tour de guet pour se protéger des pirates saxons qui écument l’océan. Sur l’emplacement de ce même fort, une forteresse est bâtie aux XIe et XIIe siècles, sur ordre des ducs d’Aquitaine. Aliénor d’Aquitaine elle-même séjourne souvent au château d’Oléron. Dans une région tiraillée par les guerres franco-anglaises, le château change constamment d’occupant, avant de devenir définitivement français au XVe siècle.
Mais son histoire déjà rocambolesque compte encore nombre de péripéties…
Les craintes du Cardinal de Richelieu

Tout recommence avec un sanglant épisode de l’Histoire, les guerres de Religion qui font rage dans une Saintonge déchirée entre huguenots et catholiques. En 1586, le chef de guerre protestant Agrippa d’Aubigné investit le château d’Oléron avec ses 700 soldats. Le gouverneur de Brouage, François de Saint-Luc n’emploie pas moins de 2000 hommes pour l’en chasser.
Une quarantaine d’années plus tard, alors que la paix semble être revenue dans le royaume, une poudrière explose toute proche : en 1627, La Rochelle, place forte protestante, se révolte contre le roi Louis XIII et son ministre Richelieu. L’Angleterre, qui soutient financièrement et militairement la ville protestante, plus pour gêner la France que par solidarité religieuse, envoie des troupes. Le duc de Buckingham débarque en juillet 1627 sur l’île de Ré avec plus de 8000 soldats.
C’en est trop pour Richelieu, qui décide d’assiéger la ville. Le cardinal-ministre déploie des troupes à Ré et à La Rochelle, mais il craint que l’Angleterre n’attaque l’île d’Oléron, que le vieux château d’Aliénor ne protège plus vraiment. Il devient urgent de fortifier l’île, et Richelieu dépêche en 1630 l’ingénieur Pierre d'Argencourt pour superviser la construction d’un fort à quelques mètres de l’ancienne forteresse des ducs d’Aquitaine.
L'arrivée de Vauban

La citadelle construite par d’Argencourt est visitée en 1660 par le roi Louis XIV, qui la juge de taille et de solidité insuffisante. Il mande donc le chevalier de Clerville pour agrandir et moderniser la construction.
La fiabilité du fort d’Oléron est d’autant plus importante qu’il fait désormais partie d’un vaste système de défense de l’Arsenal de Rochefort, pensé par Colbert, qui inclut les îles fortifiées de l’estuaire de la Charente.
Cependant, en 1685, la visite du célèbre Vauban à Oléron vient changer la donne. Ce dernier, auréolé de ses succès architecturaux, juge le fort mal construit, et prend la liberté de le raser pour le rebâtir selon ses plans.
Les travaux de Vauban commencent en 1688 et sont jugés particulièrement importants par le roi, qui s’engage justement dans la guerre de la Ligue d’Augsbourg qui l’oppose à l’Angleterre. Il presse donc Vauban, qui réquisitionne les paysans oléronnais afin d’avancer plus rapidement les travaux.

Oléron est lourdement mise à contribution dans la construction de cette nouvelle citadelle : nombre d’habitations et un couvent sont rasés, et beaucoup de paysans réquisitionnés meurent de froid et d’épuisement.
Qu’à cela ne tienne, Vauban poursuit son plan ambitieux pour construire une citadelle imprenable.
Il entoure le fort de demi-lunes de hauteurs différentes pour pouvoir attaquer de potentiels envahisseurs par le haut, et ceint le tout d’une courtine flanquée de deux bastions, fermée par un pont-levis.
Tout est fait pour que le prix humain et économique du siège d’une telle forteresse dissuade tout ennemi de s’y attaquer.
Arsenal de la citadelle
Un fort militaire

En 1704, la citadelle est terminée. Une garnison de défense y stationne pour garder la côte saintongeaise, mais plus jamais l’Angleterre n’osera s’y attaquer. Petit à petit, le fort d’Oléron devient un lieu d’entraînement et de formation pour les soldats amenés à débarquer en Nouvelle-France. Qu’ils embarquent pour le froid Québec, la lointaine Acadie ou la mystérieuse Louisiane, nombreux sont ceux qui patientent au fort d’Oléron entre 1710 et les années 1750.
Vient la Révolution française et avec elle la Terreur. Le fort est alors transformé en prison, où sont internés notamment les partisans de la Terreur Collot d’Herbois, Varenne et Barère, avant d’être déportés à Cayenne.
Il garde cette fonction, lors la guerre de Crimée (1853-1856), des prisonniers autrichiens y sont détenus, pendant la Première Guerre mondiale on y enferme des soldats allemands et à partir de 1940, des résistants français sont emprisonnés au fort d’Oléron.
Les affres de la Seconde Guerre Mondiale

Lors de l’invasion allemande en mai 1940, le fort d’Oléron subit plusieurs dommages. À partir de l’armistice de 1940, il tombe aux mains de la Wehrmacht, l’armée allemande, qui le transforme en prison militaire. Le fort fait alors partie de la ligne de défense du Mur de l’Atlantique.
Un premier débarquement a lieu sur les plages de Normandie le 6 juin 1944, amortissant la libération de la France. Les allemands sont continuellement repoussés vers leurs arrières et créent des poches de résistance dans le secteur de La Rochelle, englobant les îles de Ré et d’Oléron, où se déroulent plusieurs combats avec les FFI. À partir du printemps 1945, le général de Larminat est chargé de planifier l’opération Jupiter qui doit libérer l’île d’Oléron, troisième et dernier débarquement allié en France. Au terme de bombardements meurtriers sur l’île, il débarque avec ses troupes le 30 avril 1945. Oléron est libre mais le fort est quasiment détruit.
Restaurée dans les années 1960 puis dans les années 1980, la citadelle d’Oléron surplombe aujourd’hui l’Océan Atlantique de sa fière silhouette. Elle abrite des spectacles musicaux et vivants, ainsi que des visites nocturnes, permettant aux visiteurs de se replonger dans le glorieux passé du fort.
Vue des fortifications de la citadelle et de l'Arsenal